Intégration LS 2018 (première partie)

Il a certes fallu un peu de courage aux étudiants et professeurs des classes préparatoires littéraires pour se retrouver à sept heures du matin devant le lycée mais l’effort consenti par chacun fut largement récompensé lors de la visite de la Ferme des Ruelles, exploitation cidricole nichée dans le Vexin. Monsieur Berche, professeur de géographie, prit l’initiative de cette visite en lien avec la question au programme de l’ENS cette année : géographie de l’alimentation. L’introduction que le professeur fit dans le car de même que les explications détaillées que le propriétaire de la ferme apporta sur ses choix et ses résultats nous ont permis de prendre conscience des récentes évolutions des campagnes françaises, initiées par des exploitants ayant su remettre en cause des pratiques qui ont longtemps paru rentables mais qui révèlent aujourd’hui de graves conséquences sur l’équilibre global de notre planète. Ces agriculteurs sont parvenus à concilier le retour à des modes d’exploitation anciens et les apports incontestables de la science et de la technologie afin de proposer une agriculture raisonnée, respectueuse à la fois des agriculteurs, des consommateurs, de la faune et de la flore, sans oublier ni négliger les qualités et propriétés de la terre elle-même. La réflexion sur le long terme a remplacé une logique de bénéfice immédiat et tous les bienfaits de cette politique se font ressentir chez ces producteurs de cidre et autres produits dérivés de la pomme.

Les lieux que nous avons découverts dans le petit matin apparurent charmants, bucoliques et sereins : nous nous laissons facilement convaincre des avantages d’une exploitation à taille humaine, structurée par ses bocages et ses mares, peuplée désormais d’une foule d’insectes et d’oiseaux, et comportant tout de même sa touche d’exotisme, l’herbe à éléphant, qui vient rappeler que la mondialisation ne revêt pas que de mauvais aspects. Ainsi, la curiosité intellectuelle des étudiants de CPGE, et de leurs accompagnateurs, a été satisfaite mais il faut avouer que ce n’est pas le seul plaisir que vous avons connu là-bas : un délicieux petit-déjeuner, servi dans une grange chaleureuse et décorée avec élégance, a largement contribué au charme de cette première visite : c’est avec une gourmandise non feinte que les produits de la ferme ont été dégustés et appréciés.

Pour clore la présentation de cette première étape, citons les vers de Jacques Roubaud consacrés au lombric et retenons les vertus du travail de cet infatigable habitant de nos sous-sols :

 

Dans la nuit parfumée aux herbes de Provence,

Le lombric se réveille et bâille sous le sol,

Étirant ses anneaux au sein des mottes molles

Il les mâche, digère et fore avec conscience.

Il travaille, il laboure en vrai lombric de France

Comme, avant lui, ses père et grand-père ; son rôle,

Il le connaît. Il meurt. La terre prend l’obole

De son corps. Aérée, elle reprend confiance.

Le poète, vois-tu, est comme un ver de terre

Il laboure les mots, qui sont comme un grand champ

Où les hommes récoltent les denrées langagières;

Mais la terre s’épuise à l’effort incessant !

Sans le poète lombric et l’air qu’il lui apporte

Le monde étoufferait sous les paroles mortes.

 

De retour dans le car, Madame Di Marco, professeur d’espagnol, démontra que les étudiants et les professeurs de CPGE sont eux aussi des travailleurs infatigables : chaque instant doit être exploité avec profit, les kilomètres parcourus entre la ferme et Rouen donnèrent donc l’occasion d’écouter une belle présentation du personnage de Jeanne d’Arc, fil rouge de la promenade culturelle de l’après-midi.

Le musée des Beaux-Arts de Rouen nous accueillit pour la seconde partie de la matinée. Sous la houlette du professeur d’histoire Monsieur Darier ou d’anglais Madame Bignaux en fonction des groupes, nous nous lançâmes dans un itinéraire couvrant de plus de cinq siècles de peinture, sensibilisés aux évolutions majeures de cet art grâce aux commentaires érudits des deux professeurs. Peinture religieuse, tableaux à clefs, scènes de genre, portraits, vanités, sujets mythologiques, paysages, scènes historiques : de l’art byzantin à l’impressionnisme, plus d’une vingtaine d’œuvres furent étudiées dans le détail. Les étudiants purent se rendre compte, à cette occasion, des liens profonds qui unissent toutes les matières qu’ils étudient et les arts : une culture large permet de percevoir les échos entre tous ces domaines, et de les apprécier d’autant plus. Par exemple, l’interprétation politique de ce qui semble au premier regard n’être que la simple représentation d’une scène mythologique renvoyait les khâgneux à leur programme de littérature : Le bain de Diane  de François Clouet comporte ainsi une forte charge contre la Duchesse de Valentinois et les de Guise, jugés responsables de la mort d’Henri II et du chaos dans lequel la France a rapidement versé, ce qui ne peut laisser indifférents les lecteurs de La Princesse de Clèves. A l’occasion de ce parcours à travers les salles du musée, nous avons aussi eu le plaisir d’entendre les interventions de trois étudiantes, Fatima, Nardjes et Sinthuya, de même que celles du professeur de philosophie Monsieur Pham. Parmi les toiles de maître que nous avons eu la chance d’admirer se trouvait La Cathédrale de Rouen- Le Portail et la tour d’Albane – Temps gris : même si le ciel de ce vendredi était bleu et lumineux, notre œil était fin prêt pour parcourir les grands monuments du centre historique de la ville sur les traces de la Pucelle.

 

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