Soirée au théâtre…

 Représentation de La Cantatrice Chauve, de Ionesco, au Théâtre de Belleville, samedi 10 septembre 2016.

par Mathilde Talandier et Philippe Cherruault, étudiants en LS1

sans-titre

   19H15. Ils étaient là, assis dans l’obscurité, sur deux chaises méthodiquement accolées, les jambes croisées, formant une symétrie parfaite. Le couple lisait le journal, tournait les pages, décroisait et recroisait les jambes en parfaite synchronisation. De cela découlait une étrange atmosphère, un avant-goût du reste de la pièce. En effet, on semble irrémédiablement attiré par ces étranges personnages. Notre regard ne peut se détacher du ballet des jambes qui rythme les changements de pages. Nous savons ce qu’ils vont faire, à tel moment ils vont tourner la page, à la fin de telle minute ils vont lire la seconde page de la double-feuille, à telle seconde leurs jambes vont se recroiser et pourtant nous voulons les regarder, espérant sadiquement percevoir une erreur, aussi infime soit-elle, dans leur jeu.

Soudain, à cet instant précis où l’acuité de l’audience est à son paroxysme, la pièce prend son essor.

Alors débute un des chefs d’œuvre de Ionesco, La Cantatrice chauve. La troupe de comédiens se met en marche, les dialogues débutent, l’absurde commence. Des répliques dont le sens semble s’être envolé fusent, des onomatopées éclatent, le parquet tremble sous le rythme effroyable des coups de talon ravageurs et les mimiques se répètent. Les allées et venues s’enchaînent et le bonheur de voir le texte réadapté à l’actualité comble de joie le spectateur avisé. Le rythme s’enflamme sur l’énonciation d’un poème tandis que le cercle se boucle. « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux » l’énonce lui-même un des personnages. Les comédiens se lèvent, se prennent la main, saluent les spectateurs et tout cela se clôt après une ultime lecture du journal. Tout recommence.

20H15.

 

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